Du plus jeune et plus petit des Ogres, c’est toute l’histoire d’une famille et de ses membres qui est contée. Héritage, coutumes, tiraillements… Un superbe récit gothique autour du déterminisme familial. Petit est le fils du Roi-Ogre. à peine plus grand qu’un simple humain, il porte sur lui le signe de la dégénérescence familiale qui rend chaque génération plus petite que la précédente à force de consanguinité. Son père veut sa mort, mais sa mère voit en lui la possible régénération de la famille puisqu’il pourrait s’accoupler à une humaine tel que le fit jadis le Fondateur de la lignée. Elle le confie alors à la tante Desdée, la plus ancienne d’entre eux, qui déshonorée en raison de son amour pour les humains, vit recluse dans une partie de l’immense château. Seulement voilà , contrairement au souhait de sa mère, elle tentera d’élever Petit à l’inverse des mœurs familiales… Tiraillé entre les pulsions violentes dont il a hérité et l’éducation humaniste qu’il a reçu de Desdée, Petit trouvera-t-il sa place ? Et survivra-t-il à l’appétit vorace de sa famille ?
Un récit construit sous deux axes narratifs : la bande dessinée raconte l’histoire de Petit, tandis que les textes illustrés se concentrent sur la vie des différents souverains depuis le Fondateur.
Né en 1971, Hubert étudie aux Beaux-Arts d’Angers. Il y fait une rencontre déterminante, celle de Yoann qui l’incite à œuvrer dans la bande dessinée, d’abord en tant que coloriste – notamment pour Paul Gillon, David B…, puis scénariste – Le Legs de l’Alchimiste avec Tanquerelle puis Benjamin Bachelier au dessin, Les Yeux Verts avec Zanzim, mais c’est Miss Pas Touche, dessinée par le tandem Kerascoët, qui le révèle à un plus large public, en 2006. Depuis, Hubert a multiplié les collaborations notamment avec Ohm, David Chauvel, Étienne Leroux, Marie Caillou, Virginie Augustin ou encore Bertrand Gatignol avec lequel il nous propose un récit poignant sur le poids du déterminisme familial. Plusieurs de ses albums ont été traduits et primés à travers le monde. Hubert est décédé en février 2020.
Bertrand GATIGNOL est né 1977. Il réside à Paris.
Il étudie à l’atelier Met de Penninghen avant d’intégrer l’ESAG (École supérieure de design, d’art graphique et d’architecture intérieure). Une fois diplômé, il s’essaie au Matte Painting pour le pilote du film Renaissance, puis officie en tant que directeur artistique pour le clip NTM (2001), avant de s’orienter vers le monde télévisuel. Il co-créé alors la série TV Paghai avec Moonscoop, réalise les personnages de la série Skyland ainsi que ceux d’Iron Man. Entre-temps, il met en production sa série télé, Mikido, pour France 3. Aujourd’hui, Bertrand partage son temps entre la création de personnages pour séries télévisuelles, l’illustration de livres jeunesse et la bande dessinée. Après Pistouvi (Dargaud), il met sa virtuosité graphique au service d’un univers médiéval sombre avec une nouvelle série de bande dessinée remarquée, Les Ogres-Dieux – Petit (Éditions Soleil), sortie en 2014. Suivra Les Ogres-Dieux – Demi-sang en 2016, nommé pour la sélection officielle du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême et de la sélection du prix du public Cultura.




Détails techniques :
Fantasy – T1 de la série intitulée Les Ogres-Dieux
Editeur : Soleil Productions (2014) – 176 pages – 26 € (papier) et 9,99 € (numérique)
Série Les Ogres-Dieux : 1. Petit, 2014 2. Demi-Sang, 2016 3. Le Grand Homme, 2018 4. Première-née, 2020 |




Un palais aux dimensions cyclopéennes trône au sommet de la montagne, éclipsant la cité en contrebas. Les corridors somptueusement décorés atteignent des hauteurs vertigineuses tandis que de nombreuses galeries plus étroites serpentent en tous sens, parcourues par une foule de serviteurs. Pourtant, le faste de la décoration semble appartenir au passé, des statues sont fissurées ou brisées, des ailes entières ont été abandonnées…
Les domestiques semblent lilliputiens dans cette luxueuse bâtisse, et pour cause, ses réels occupants ne sont autres que les Ogres-Dieux.
Cette dynastie de gigantesques mangeurs d’hommes règne d’une main de fer sur le royaume, terrorisant la populace comme les pays voisins. Pour les assister dans leur besogne, les ogres se sont attachés les services d’humains, le plus éminent d’entre eux étant sans conteste le chambellan. Hélas, même ce dernier peut être victime des caprices de ses maîtres, toujours prompts à dévorer leur personnel.
Malgré leur puissance, des générations de consanguinité ont durement affecté les Ogres-Dieux. Ils sont de moins en moins imposants et certains d’entre eux naissent à demi-débiles.
C’est alors que naît « Petit ». À peine plus grand qu’un homme, il est tombé de la matrice de sa mère sans même qu’elle ne le sente. Malgré son évidente faiblesse, la Reine décide de le soustraire à l’appétit de son père. « Petit » est caché et élevé par sa grand-mère, la dernière Ogresse digne de l’ancienne lignée. Ainsi, l’enfant est autant éduqué par son aïeule que par ses servantes humaines. « Petit » mesure tout juste deux mètres et n’a pas le goût de la chair humaine, par contre il semble en pleine possession de ses moyens.
S’engage alors un cruel jeu du chat et de la souris entre lui, ses frères et son père. Chacun cherchant à le dévorer…
Petit est le premier des quatre tomes qui composent la saga des Ogres-Dieux. Visuellement, la magnifique couverture noir et blanc et son titre doré donnent le ton. Toute la BD respecte ce style exigeant sans que la couleur ne nous manque jamais. On sent à la fois une influence du manga, une touche d’architecture Gothique et la patte d’anciens graveurs. Le dessinateur, Bertrand Gatignol, réalise ici un véritable tour de force.
Au visuel s’ajoute un scénario bien maîtrisé où les intrigues succèdent aux rebondissements. Comme nous n’avons pas les codes de cet univers très original, Hubert, le scénariste, prend la peine de nous guider. Entre chaque chapitre, nous avons le plaisir d’en apprendre plus sur l’histoire des Ogres-Dieux, leurs origines, les chambellans…
Cette lecture donne le sentiment d’avoir terminé un grand classique de la littérature de genre avec une facilité déconcertante. En plus de Petit, les Éditions Soleil ont aussi publié ses trois suites : Demi-sang, Le grand Homme et Première-née. Si chaque récit est totalement indépendant, l’ensemble nous dépeint une fresque dont on espère qu’elle continuera encore longtemps…
Ma note :
Une critique de Genkis publiée en 2019 dans l’Hebdo Le Poher, avec leur aimable autorisation.