Critique : « Déracinée », de Naomi Novik

Quatrième de couverture : Depuis toujours, le village de Dvernik est protégé des assauts du Bois – une forêt maléfique douée d’une volonté propre – par le «Dragon», un puissant magicien. Celui-ci, en échange de ses services, prélève un lourd tribut : à chaque génération, la plus jolie jeune femme de la communauté disparaît dans sa tour. Cette année, c’est Kasia qui sera choisie. Forcément, c’est la plus belle, la plus populaire. Personne n’en doute, et encore moins Agnieszka, qui n’a jamais voulu de cet honneur. Mais les choses ne vont pourtant pas se passer comme prévu, et Agnieszka va découvrir un monde au-delà de l’entendement…

    ***

    Née à New York en 1973, Naomi Novik est l’auteure de la série de fantasy à succès Téméraire.
    Elle débute ses études en littérature anglaise avant d’obtenir une maîtrise en informatique à l’Université Columbia. Elle a participé au design et au développement du jeu vidéo d’heroic-fantasy Neverwinter Nights : Shadows of Undrentide.
    Finalement, Naomi Novik préfère l’écriture à l’informatique et publie ses premiers romans de fantasy : Les Dragons de Sa Majesté (nommé au prix Hugo du meilleur roman 2007), Le Trône de jade et Par les chemins de la soie.
    Son premier roman hors de la série Téméraire, nommé Déracinée, est récompensé par le prix Nebula 2015, le prix Locus 2016, le prix British Fantasy 2016 et le prix Mythopoeic 2016. En 2019, son roman La Fileuse d’argent obtient le prix Locus du meilleur roman de fantasy et le prix Mythopoeic.

    Un roman aux allures de conte qui a su m’émerveiller.

    Agnieszka, l’héroïne et narratrice du récit, nous emmène avec elle en plein cœur de la Pologne. Tous les dix ans, le Dragon choisit une fille du village et la garde captive dans sa tour. Le Dragon, c’est ainsi que se nomme le sorcier qui veille sur la vallée et ses habitants depuis des siècles. Cet homme, qui n’a rien de la légendaire créature ailée, protège les habitants de l’aura malveillante du bois. Car ici, la forêt n’est pas le lieu calme synonyme de balade dominicale agréable. Sous la plume de Naomi Novik, il devient un personnage à part entière, une menace omniprésente, le pire danger qui soit. Les créatures qui le peuplent n’ont qu’un seul but : capturer les habitants et les faire prisonniers des arbres. Avec ce postulat de départ, l’auteur emprunte les codes du conte traditionnel et réunit tout le panel classique : les bois sombres et menaçants, le magicien enfermé dans sa tour, le prince beau et fort, le vieux roi aigri, la méchante reine… et j’en passe.

    Contre toute attente, ce n’est pas la plus belle fille du village qui est enlevée par le Dragon mais Agnieszka elle-même. Nous la suivons donc pendant les premiers mois, voire années (c’est très difficile d’évaluer le temps), de son apprentissage dans la tour du Dragon. Nous découvrons alors en même temps que la jeune fille ce qu’il se passe réellement dans cette tour, et quel est le rôle des prétendantes. Finalement, rien de sordide ne se trame dans ce donjon, tout est histoire de magie et d’apprentissage.
    Toutefois, la jeune magicienne se heurte à un personnage froid, acariâtre, qui ne cesse de la sous-estimer. Mais pourtant, derrière tout ça, si nous creusons un peu, nous voyons clairement que ce n’est qu’une façade et que le Dragon n’est pas aussi antipathique qu’il en a l’air. Au contraire, nous allons de surprise en surprise avec ce personnage.
    Il est vrai que les portraits dessinés par l’auteur, en dehors d’Agnieszka, Kasia, ou d’Ayosha la sorcière-guerrière, sont relativement froids et distants. Cela est légèrement déstabilisant au début, mais ils finissent tout de même par devenir des figures familières sympathiques (pour certains).
    Le manque d’action du départ est très vite compensé par l’action des derniers chapitres et par le côté épique des scènes de bataille.

    L’auteur puise dans ses souvenirs et dans les histoires entendues lorsqu’elle était enfant pour nous faire découvrir les légendes et les traditions polonaises. L’intrigue qu’elle tisse est grandement inspirée par le mythe de Baba Yaga, mais il y a aussi un petit quelque chose des contes de Grimm dans l’atmosphère de cette histoire. C’est un roman qui m’a dépaysée et j’ai désormais envie de me documenter sur les contes polonais.

    Le dénouement était à la hauteur de mes espérances (et les promeneurs ne sont finalement pas si mauvais !).
    En refermant ce livre, j’ai su que cette histoire vraiment unique en son genre resterait gravée dans ma mémoire. Ce roman a donc une place de choix dans ma bibliothèque, et je suis heureuse d’avoir fait cet achat compulsif mais bien inspiré.

    Note : 10 sur 10.

    Naomi Novik est allée puiser dans ses racines familiales pour écrire ce livre, et cela se ressent. La grande tendresse qu’elle éprouve pour ses personnages et son histoire, on la ressent également à la lecture de ce très violent conte, qui n’est pas pour les enfants, ou alors pour les grands enfants devenus adultes.

    C’est bien écrit, bien traduit, même s’il y a quelques répétitions, rien de bien grave. Je ne suis pas familière de tous les contes et de la mythologie slaves, même si j’en connais un peu. N. Novik cite « un conte de fée polonais » de son enfance comme référence à ce livre. Comme ça ne me disait rien du tout, j’ai fait quelques recherches. Il s’avère qu’aucun conte de fée traditionnel polonais n’est à l’origine de ce livre. Celui cité par N. Novik semble être un conte « original » inventé par son auteure, qui lui a été lu de nombreuses fois par sa mère, mais pas vraiment un mythe traditionnel polonais. Bref, ne cherchez pas les références, il n’y en a pas vraiment, à part le prénom Agnieszka qui est celui de l’héroïne du conte d’enfance de Novik.

    C’est donc bien, par contre, pour l’auteure, un souvenir d’enfance tendrement chéri, ce qui transpire par tous les pores des pages de ce livre.

    Il est vrai que les personnages sont très attachants, l’intrigue très intéressante, la magie et son apprentissage par l’héroïne bien décrits, et le Mal sournois du Bois passionnant à découvrir au fur et à mesure qu’on tourne les pages.

    Les points négatifs pour moi, c’est que l’histoire se traîne un peu en longueur, notamment quand Nieshka (c’est plus facile à écrire) est à la capitale pour prouver « la blancheur » de ceux sauvés du Bois. Ses réactions sont également trop répétitives quand survient un événement violent (stupeur, paralysie, puis réveil et action). J’aime pas les personnages qui n’apprennent pas de leurs erreurs ou qui n’évoluent pas, et ici, la réaction est la même à chaque fois sur les plus de 500 pages du bouquin, alors bon, ça m’a agacée sur la durée. Pareil pour les péripéties « batailles » répétitives…
    Le dernier petit truc négatif, c’est « LA » scène de sexe. Absolument inutile, pas du tout dans le ton du reste du livre, juste le truc bankable qui gâche l’ensemble…
    Après, cela m’est très personnel et je comprends les nombreuses notes supérieures à 4 sur ce livre, il est vraiment bien, à part ça. Mais en ce qui me concerne, ça ne sera pas un coup de cœur…

    Note : 7 sur 10.

    Laisser un commentaire