Critique : « La Tyrannie de la Nuit » (Les Instrumentalités de la Nuit – T1), de Glen Cook

Quatrième de couverture : Une Terre qui pourrait n’être pas la nôtre mais celle d’un univers parallèle, dans un Moyen Âge où se télescopent quatre siècles. Un patriarche légitime à Viscesment et un usurpateur à Brothe, un empereur du Graal qui rappelle beaucoup celui du Saint Empire romain germanique, des croisés qui cherchent à récupérer des « Terres saintes », une hérésie maysaléenne et des Parfaits… La guerre entre l’Orient et l’Occident… Dans ce monde agité de convulsions sismiques, où chaque souverain magouille de son côté pour acquérir la suprématie, où les espions pullulent et où royaumes, empires, provinces et principautés ne cessent de guerroyer, Else Tage, sha-lug et espion de Gordimer le Lion, est chargé par son suzerain et maître d’infiltrer les plus hautes instances de la Rome médiévale de cet univers-là : Brothe. Intelligent, courageux et fondamentalement humain, il y réussirait presque avec les moyens du bord si la sorcellerie ne s’en mêlait pas. Car le pouvoir magique qui jaillit des puits d’Ihrian, dans les Terres saintes, et empêchait jusque-là les glaces polaires de recouvrir le monde, vient à se tarir…

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Glen Cook est né à New York en 1944. Il a vécu à Columbus dans l’Indiana, à Rocklin en Californie et à Columbia dans le Missouri, où il fait des études de psychologie et participe à des ateliers d’écriture. Son premier roman paraît en 1972. Il travaille longtemps pour General Motors puis se consacre entièrement à l’écriture, à partir de 1997. Glen Cook vit aujourd’hui à St Louis avec sa femme Carol et leurs trois enfants. Il participe activement aux conventions de science fiction, et rêve de former un groupe de rock’n’roll avec ses enfants.
Auteur de science fiction depuis les années 1970, il a publié de nombreux cycles, dont Dread Empire et Star Fisher (dédié à Richard Wagner), et créé le détective Garret qui évolue dans un univers de science-fiction fantastique influencé par le roman noir. Mais, c’est avec le cycle de La Compagnie Noire que Glen Cook rencontre le succès public et l’enthousiasme des lecteurs.

Les Instrumentalités de la Nuit :
1. La Tyrannie de la nuit (The Tyranny of the Night, 2005)
2. Seigneur du royaume silencieux (Lord of the Silent Kingdom, 2007)
3. Soumettez-vous à la nuit (en 2 tomes en Français, Surrender to the Will of the Night, 2010)
4. Working the Gods’ Mischief, 2014 (non traduit)

Et dire que La tyrannie de la Nuit dormait sur mon étagère depuis plus de dix ans…

Glen Cook m’a pourtant complètement conquis avec La Compagnie Noire et je m’en veux tellement, maintenant, d’avoir attendu aussi longtemps avant de lire un de ses autres cycles de dark fantasy.

Car en dark fantasy, Glen Cook c’est une pointure. Un style fait pour lui, qu’il a contribué à faire émerger grâce à sa patte inimitable et ô combien inspiratrice.

Les débuts sont pourtant ardus, avec une palanquée de noms de lieux et de personnages presque imbitables. Et puis peu à peu, on comprend, on se situe.
Ceux venus des terres nordiques ; les différentes factions religieuses, d’un côté chrétien et de l’autre musulman ; le cœur du récit dans les pourtours méditerranéens et plus particulièrement l’Italie médiévale. L’hérésie cathare, les croisades…
On rajoute à cela des forces obscures – Les instrumentalités de la Nuit -, représentation d’un folklore païen assez flippant et qui tend à refaire surface dans cette période trouble.

Tout est fait pour que notre personnage principal, Else Tage, s’amuse comme un beau diable ! Infiltré chez l’ennemi, il montrera toute l’étendue de ses talents et s’impliquera à fond dans sa tâche.

Cook nous cuisine à nouveau une bande de joyeux lurons, mercenaires sans foi ni vraiment de loi, n’hésitant pas à cracher leurs quatre vérités à leurs supérieurs. Et bien que la compagnie, cette fois-ci, se résume presque uniquement à Else Tage et Pinkus Ghort, le duo marque les esprits. L’un étant plein d’atouts et très efficace, l’autre étant caustique, drôle, et aussi efficace.
Les nombreux religieux, quant à eux, montrent toute l’étendue de leurs travers : ambition, égoïsme, lubies sexuelles pédophiles et lâcheté.
Cependant, certains apparaissent comme plus valeureux, ou du moins capables d’une réflexion plus altruiste.

Les puissants se querellent pour la place du chef et Glen Cook nous immisce avec brio, parfois de façon intimiste ou, adroitement, de manière plus distante, dans cette lutte de pouvoir où les différents prétendants profitent du moindre instant pour mordre le mollet de l’autre. Gloire à celui qui pissera le plus loin.
Tout ça sous les yeux d’Else Tage, qui se balade (un peu trop facilement, il faut l’avouer) dans les intrigues afin de gravir les échelons.
Mais ce dernier demeure l’attrait du récit, celui qu’on aime retrouver en décrochant son marque-page. Bien joué, Glen. C’est pas Toubib non plus mais il a du chien, ce Else !

Et bien sûr, il y a ces nordiques, catapultés dans un autre temps après un passage halluciné – comme il se doit – à la résidence de leurs dieux et héros. Leur traitement est singulier, rempli de bonnes idées (la tête du démon, la narcolepsie, les inconvénients inhérents à leur condition de surhommes) et là encore accrocheur.

Le magique, en tout cas dans ce premier tome, est assez peu mis en avant (hormis dans le final), mais quand il déboule, c’est de manière impressionnante. Toujours quelque part, le surnaturel est insidieux et vous saute à la gorge sans crier gare, histoire de vous rappeler qu’aucun dieu unique ne sera jamais capable de le ranger sous un autel…

Une lecture assez exigeante, mais suffisamment prenante, avec une vraie ambiance de dark fantasy pleine d’intrigues, de salauds et de monstres.
Si en plus vous connaissez la période historique joyeusement détournée ici, vous risquez de passer un sacré bon moment !

Note : 7 sur 10.

« Winter is coming » dans ce monde-là aussi. Les glaces avancent, faisant baisser le niveau des mers et jetant les uns contre les autres les peuples comme des dominos en folie. Nous sommes dans une Europe du XIIe siècle (deux papes, croisade contre les Albigeois, antagonisme avec l’Islam….) revisitée, avec adjonction de magie et de puissances occultes (la Nuit). Else le sha-lug, redoutable guerrier, est envoyé en mission d’espionnage par Gordimer le Lion, son chef, dans les pays « européens » (un peu pour éloigner un rival et sur les conseils d’un vizir sorcier bien méchant comme d’habitude). Il se trouve confronté à un chaos d’intrigues politico-religieuses aggravé par des interventions magiques et/ou divines. De la fantasy solide, classique, complexe mais un peu moins prenante que La Compagnie Noire.

Note : 10 sur 10.

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