Critique : « L’Adjacent », de Christopher Priest

Quatrième de couverture : En Anatolie, l’infirmière Melanie Tarent a été victime d’un attentat singulier : totalement annihilée, elle n’a laissé au sol, comme seul vestige de son existence, qu’un impossible cratère noir et triangulaire.
De retour en République Islamique de Grande-Bretagne, son mari, le photographe free-lance Tibor Tarent, apprend qu’un attentat a eu lieu à Londres, qu’il a fait cent mille morts, peut-être le double. Là aussi, la vaste zone touchée était inscrite dans un triangle parfait.
Alors qu’il est emmené dans une base secrète afin d’être interrogé sur ce qu’il a observé en Anatolie (globalement rien, en dehors de l’étrange point d’impact), Tibor entend parler pour la première fois du phénomène d’adjacence. Mais à bien y réfléchir, est-ce vraiment la première fois ?

Histoire d’amour à travers des époques et des espaces adjacents, synthèse des thématiques habituelles de l’auteur, L’adjacent est le roman le plus ambitieux de Christopher Priest depuis La séparation, un tour de force qui nous transporte de la Grande Guerre jusqu’à un futur éprouvant où des catastrophes naturelles incessantes s’ajoutent à d’innombrables tensions religieuses et ethniques.

Né en 1943, Christopher Priest est connu dans le monde entier pour son roman Le monde inverti. Considéré comme l’un des écrivains les plus fins et les plus intéressants du genre, il partage avec Philip K. Dick la volonté d’explorer l’envers du décor, de questionner en permanence notre perception de la réalité.
Christopher Priest est également l’auteur, entre autres, de Rendez-vous demain et Le Glamour. Il a reçu de nombreux prix : prix de la British Science Fiction Association pour Le monde invertiLes ExtrêmesLa séparation et Les insulaires ; World Fantasy Award pour Le Prestige ; prix Arthur C. Clarke et Grand Prix de l’Imaginaire pour La séparation ; John W. Campbell Memorial Award et prix Bob Morane pour Les insulaires.

Détails techniques :

Science-fiction / Dystopie

Editeur : Gollancz (anglais, 201) / Denoël, coll. Lunes d’Encre (1995) / Folio SF (2017)

560 pages (broché) / 688 pages (pages)
Broché : 24,90 € / Poche : 10,20 € / Numérique : 9,49 €

Alors que sa femme vient de mourir en Anatolie où elle était infirmière pour une ONG, Tibor Tarrent rentre en République Islamique de Grande-Bretagne pour y être débriefé dans une base secrète. Il apprend qu’une partie de Londres a été ravagée par un terrible attentat qui a fait au moins cent mille victimes. L’arme utilisée pour l’attentat de l’ancienne capitale anglaise semble identique à celle du meurtre de Melanie Tarrent en Turquie. Mais Tibor Tarrent n’est pas au bout de ses surprises…

C’est toujours une joie d’ouvrir un livre de Christopher Priest. Il fait partie de mes auteurs préférés (j’avais eu la chance de le lui dire, aux Utopiales 2014) car il a cette particularité pas si courante en définitive d’allier le fond et la forme. Sa plume superbe est au service des histoires qu’il narre. Du grand art, même pour des romans plutôt mineurs (c’est un goût personnel) comme Les Extrêmes.

Alors, quand on m’a proposé le prêt de ce roman-ci, j’ai tout de suite dit oui. L’occasion était trop belle de retrouver l’écriture splendide de l’écrivain anglais. D’autant que L’Adjacent est précédé d’une réputation pour le moins élogieuse (dernière très bonne critique que j’ai lue écoutée, celle de René-Marc Dolhen à la Salle 101) et que ce livre a la chance de posséder une illustration splendide d’Aurélien Police (pléonasme ?) sur sa couverture. C’est donc en toute confiance que j’ai entamé ce roman.

C’est peu de dire que les premières parties du livre (qui en compte huit pas du tout égales) m’ont grandement enthousiasmé. Plusieurs histoires a priori sans lien les unes avec les autres, placées à différents moments de l’Histoire (voire du futur) nous sont proposées et on imagine très bien qu’il faudra, à un moment ou à un autre, les relier entre elles. On retrouve là les thèmes déjà abordés par Priest dans ses précédents romans : la prestidigitation (Le Prestige), les avions (La Séparation), les attentats (Les Extrêmes), la physique quantique (La Séparation), etc… On a encore droit à des réflexions sur la réalité et le lecteur a l’agréable sensation de se faire avoir par l’auteur (un peu comme dans Le Glamour). Et puis, surtout, le style de l’écriture est toujours aussi beau, fluide, limpide, évocateur. Bref, on retrouve bien le Christopher Priest tel qu’on l’aime, que dis-je ? tel qu’on l’adore…

Et puis, patatras. Arrive la septième partie (Prachous, aux deux tiers du roman), et le château de cartes s’écroule. Cette intrigue mystérieuse, mêlant plusieurs niveaux de réalité à différentes époques, avec un jeu sur les patronymes qui se renvoient les uns aux autres, tout ce qui a été savamment mis en place par Christopher Priest ne tient plus parce que celui-ci semble vouloir donner une pseudo explication à l’ensemble. Ce qu’il n’avait pas fait avec La Séparation. Certes,  ce dernier était parfois très hermétique, mais laissait au lecteur la possibilité de se faire sa propre idée de ce qu’il avait lu. En plus, là, les « explications » n’en sont pas vraiment. On a la désagréable impression que l’auteur a voulu raccrocher les wagons (au dernier moment ?) pour donner de la cohérence à l’ensemble. Alors bien sûr, cette partie reste tout à fait lisible (mieux que ça, puisqu’il s’agit de Priest), mais elle contribue tout de même à me gâcher l’immense plaisir de lecture que j’éprouvais jusque-là. Dommage.

Cependant, même si ce livre n’a pas comblé toutes mes attentes (peut-être en attendais-je trop), Christopher Priest reste l’un de mes auteurs préférés. J’ai vraiment hâte de pouvoir me plonger dans le prochain. En attendant, il me reste encore pas mal de ses romans à lire. Vous n’avez donc pas fini d’en entendre parler par ici.

Note : 6 sur 10.

Une nouvelle fois, Priest nous entraîne tout en douceur dans son univers si particulier, comme un Philip K. Dick paisible : labyrinthe de miroirs où se côtoient le passé des guerres mondiales, un futur dystopique en plein chaos climatique et politique et cet étrange univers adjacent que l’on retrouve de livre en livre, celui de L’Archipel du Rêve. Le lien entre eux se fait par d’étranges et inquiétants triangles, signature d’une arme inconnue. Autre triangle, celui des amours fugaces qui voient se croiser, s’aimer et se perdre un homme et deux femmes aux identités fluctuantes. On retrouve enfin dans ce livre subtil et passionnant l’obsession familière de l’auteur pour les illusionnistes et la photographie.

Note : 9 sur 10.

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