Critique BD : « Siegfried », d’Alex Alice

Librement adapté de la légende des Nibelungen, qui a inspiré à Wagner l’un de ses plus beaux opéras, « Siegfried » est un sommet de l’heroic fantasy – une bande dessinée fascinante qui renoue avec les mythes fondateurs des plus belles histoires. Siegfried, fils d’un mortel et d’une déesse, est élevé par le nain Mime, au milieu des loups. Poursuivi par Odin, le garçon tombe amoureux d’une walkyrie… L’ensemble est somptueusement mis en scène par Alex Alice, créateur du « Château des étoiles » et du « Troisième Testament ».

Né en 1974, Alex Alice se passionne très tôt pour l’animation et la bande dessinée. Tout en suivant une formation à l’École Supérieure de Commerce de Paris, il développe des projets d’histoires en images. En 1993, il rencontre Xavier Dorison qui lui propose les prémices de leur future bande dessinée Le Troisième Testament. Ensemble, les deux étudiants écrivent cette histoire d’aventure et d’enquête ésotérique à travers l’Europe du Moyen-Âge.

Il est diplômé de l’ESCP Europe en 1997, année où ils parviennent à convaincre les éditions Glénat de publier ce récit. Largement influencé par Umberto Ecco, Le Troisième Testament devient rapidement un succès et annonce la vague des thrillers ésotériques qui marqueront le changement de millénaire.

En 2003, avec le quatrième album, Le Troisième Testament trouve sa conclusion. Alex Alice décide alors de se consacrer à Siegfried (Dargaud), une relecture de l’œuvre de la tétralogie L’Anneau du Nibelung de Richard Wagner, sous la forme d’une trilogie.

Depuis, il se consacre à la série Le Château des étoiles.

Détails techniques :

Fantasy / Mythologie nordique – Trilogie

Editeur : Dargaud (2007-2011)

Cette critique porte sur les 3 tomes de de la BD d’Alex Alice, dans l’ordre SiegfriedLa Walkyrie et Le Crépuscule des Dieux

En bref : Inspirée de la fameuse histoire des Nibelungen, cette trilogie est un petit bijou qui nous raconte le destin tragique de Siegfried, chargé par Odin, père de tous les dieux, de tuer le dragon Fáfnir avant qu’il n’ait détruit ou entièrement corrompu le monde.

Il y a deux types de lecteurs de BD : ceux qui lisent rapidement, avides de découvrir l’histoire au plus vite, et ceux qui prennent leur temps, admirant au passage les dessins. Je fait plutôt partie du deuxième type, et c’est tant mieux pour cette histoire ! Les pages sont belles, surtout les doubles pages, remplies d’intensité et d’histoires… mais aussi, ne l’oublions pas, il s’agit d’un drame, et un drame, ça se savoure.

En lisant Siegfried, j’ai souvent imaginé entendre un conteur prendre la place de la sorcière Völva, narrant l’histoire de Siegfried. Les événements, dépeints certes de façon très concise, le méritent amplement. Le lecteur découvre rapidement la mort des parents de Siegfried, tués de la main d’Odin. S’ensuit une jeunesse solitaire, sauvage et violente, sous l’égide de Mime, un mentor avide et plein de duplicité. L’innocence du jeune humain cesse dès lors qu’Odin proclame le destin de Siegfried : affronter le terrible dragon Fáfnir pour tenter de sauver le monde, et mourir ce faisant. Par la suite, on assistera au retrait des immortels de la Terre, livrée à elle-même, au refus obstiné d’obéir de la Walkyrie, fille d’Odin, qui sacrifie son immortalité pour aider Siegfried… Tous ces instants et bien d’autres sont posés, avec peu, voire pas de dialogues. Il faut s’immerger dans l’ambiance et l’histoire dont dépend au final le destin du monde, des dieux et des amoureux maudits.

L’auteur s’est évidemment permis quelques libertés avec l’histoire originale (tellement racontée et déformée depuis le temps), aussi je recommande de consulter les annexes en fin de BD qui expliquent ces divergences, le point de vue de l’auteur, ce qu’il a voulu faire ressentir, en plus de fournir divers croquis et peintures supplémentaires parfois magnifiques.

J’ai aimé cette trilogie pour son coté grandiose, le personnage ambigu de Völva, le duel d’énigmes mortel entre Mime et Odin, la détermination de la Walkyrie prête à tout pour aider son père et le monde quel qu’en soit le prix. Siegfried est au centre de cette histoire, tout tourne autour de lui, pourtant, bien souvent, son coté naïf/ignorant (d’abord enfant puis adulte ignorant du monde) l’empêche de prendre les décisions, et ce sont au final tous les personnages « secondaires » qui l’aident, s’opposent à lui, le manipulent et qui en ressortent changés, pour le meilleur et pour le pire.

C’est une facette que j’apprécie particulièrement avec la mythologie nordique comparée à bien d’autres histoires : des personnages plus subtils, moins de manichéisme, moins de prévisibilité même si le récit souffre parfois des changements brusques de comportement des personnages.

Une BD pleine de fatalité, narrant l’épopée de deux amants maudits mais déterminés à affronter tant leur destin que la colère d’Odin.

Note : 8 sur 10.

Alex Alice aime les projets ambitieux… On lui doit notamment la série Le troisième testament, une épopée médiévale mêlant aventure et ésotérisme, ou encore Le château des étoiles. En ce cas, quoi de plus normal que de s’attaquer à l’adaptation d’une des plus ambitieuses œuvres musicales ? Alex Alice s’est donc employé à transposer L’anneau du Nibelung en vignettes, en planches et en bulles. Cet ensemble de quatre opéras d’une durée totale de quinze heures a été créé par le compositeur Richard Wagner. Cette œuvre monumentale s’inspire fortement des mythes nordiques et germaniques.
Alex Alice a choisi de puiser librement dans l’opéra de Wagner et la mythologie afin de nous livrer sa propre vision de la légende.
Siegfried se présente donc en trois albums d’environ quatre-vingts pages chacun, ce qui, au regard du récit original, n’est pas si imposant que cela. Cette trilogie retrace les aventures d’un jeune orphelin, Siegfried, élevé par un étrange forgeron nommé Mime. Celui-ci est un Nibelung, une créature cornue et voûtée vivant dans la nostalgie des cités souterraines de son peuple.
Si Mime a quitté ses souterrains adorés, c’est parce que son Roi, Fáfnir, est devenu fou. Le souverain a d’abord été obsédé par l’or qu’il a dérobé aux Dieux. À sa demande, Mime en a fait un anneau. Le bijou a rendu Fáfnir toujours plus puissant et toujours plus fou jusqu’au jour fatidique où il s’est transformé en un immense Dragon. Depuis, le gigantesque monstre dévore la terre de l’intérieur. Une prédiction raconte que seul un homme ignorant tout des Dieux sera en mesure de le vaincre et de sauver le monde. C’est pourquoi Mime a élevé Siegfried dans sa forêt, éloigné de tout et du monde des hommes…
En grandissant, Siegfried va comprendre que son destin est ailleurs et va quitter la grande forêt pour parcourir les terres des géants, rencontrer la sorcière et croiser la course des valkyries… Inéluctablement, ses pas vont l’amener à Fáfnir qu’il devra affronter seul.

Épique. C’est le qualificatif le mieux à même de résumer la teneur de cette trilogie éditée par Dargaud. Les moments tristes succèdent aux scènes héroïques ponctuées par les jérémiades cocasses de Mime. Sans oublier l’amour bien sûr, un amour impossible, hors d’atteinte… On se laisse emporter par ce récit en se demandant bien comment Siegfried, aussi courageux soit-il, pourrait venir à bout de l’immense Dragon. La magie de cette adaptation opère si bien que, par moments, on pourrait presque entendre la musique de Wagner rien qu’en regardant les images.
Les paysages sont tout à la fois magnifiques et torturés, inextricables et oppressants, peuplés de valkyries immaculées et implacables… On en vient même à partager l’affection de Mime pour ses tunnels et ses gemmes. Tout ceci n’est pas sans rappeler d’autres récits célèbres tels que Le Seigneur des anneaux ou Beowulf et pour cause, ces histoires plongent toutes leurs racines dans la culture nordique. Avis aux amateurs donc.

Note : 8 sur 10.

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