Critique : « Axiomatique », de Greg Egan

Quatrième de couverture : Des drogues qui brouillent la réalité et provoquent la conjonction des possibles. Des perroquets génétiquement modifiés qui jouent En attendant Godot. Des milliardaires élaborant des chimères, mi-hommes mi-animaux, par pure passion esthétique. Des femmes qui accueillent dans leur ventre le cerveau de leur conjoint le temps de reconstruire son corps. Des enlèvements pratiqués sur des répliques mémorielles de personnalités humaines. Des fous de Dieu inventant un virus sélectif reléguant le SIDA au rang de simple grippe. Des implants cérébraux altérant suffisamment la personnalité pour permettre à quiconque de se transformer en tueur…
Premier volume de l’intégrale raisonnée des nouvelles que la collection Quarante-Deux consacre à celui que beaucoup considèrent comme le plus grand auteur de science-fiction contemporain, Axiomatique demeure un recueil majeur, un classique incontournable.

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Greg Egan est né à Perth, en Australie, en 1961. Il publie son premier récit, An Unusual Angle, en 1983. Considéré comme l’auteur de science-fiction le plus fascinant de sa génération, il a publié une quinzaine de romans, dont La Cité des permutantsDiasporaIncandescenceZendegi et Isolation. Nombre de ses nouvelles ont été réunies en recueils, dont Axiomatique et Radieux, qui constituent les deux premiers volets d’une intégrale raisonnée unique au monde. Son talent novateur a, entre autres, été récompensé par le prix Hugo et le Prix de l’Imaginaire pour Océanique.

Puissant.

Un avis sur Greg Egan, ça ne peut pas s’improviser. D’où le fait que je l’ai d’abord travaillé sous Word, ce que je ne fais que très rarement, car j’adore improviser mes avis, d’habitude. Mais là, je ne peux pas.

D’abord parce que Greg Egan, c’est de la Science-fiction de haute volée. Voire de la haute voltige. Si certaines de ses nouvelles sont très accessibles au commun des mortels dont je me considère comme partie intégrante, il y en a quelques-unes qui sont vraiment pas piquées des hannetons, niveau « sciences ».
Par ailleurs, il y en a également qui sont pas piquées des hannetons niveau imagination, la mienne a été tordue dans tous les sens dans cette lecture, jusqu’à la limite « bah non, là, je ne comprends absolument pas le fond de cette histoire ». Je parle de la nouvelle L’enlèvement, qui m’a laissée totalement, absolument et désespérément sur le carreau. Je n’y ai rien compris. Il faudra que je la relise. La toute première, déjà, donne le ton. L’Assassin infini. Ne vous laissez surtout pas dégoûter du recueil par cette nouvelle très difficile d’accès. Ce serait dommage, il y en a après qui sont bien plus « simples », quoique toujours argumentées avec justesse.

Il se trouve, je dois avouer, que je suis malade avec des hauts et des bas depuis vendredi, il semblerait que je cumule en quelques jours les moult maladies que j’ai « évitées » de septembre à maintenant. Finalement, je préfère comme ça, un gros tas de maladies d’un coup, sauf que ça use quand même pas mal… Et la grosse fatigue qui va avec n’aide pas la compréhension de certaines des nouvelles d’Egan.
Un auteur qu’il faut lire quand on est en possession de toutes (et plus si possible) ses capacités intellectuelles et imaginatives…

Parce qu’en plus d’être une boule niveau sciences, monsieur Egan peut se targuer de soulever et de pointer et de triturer les problèmes de société actuels que nous connaissons bien pour en faire des avenirs supra-glauques, des nouvelles qui décoiffent sa race tant ça nous en met plein la gueule (Tiens, bim ! Voilà dans ta face de lecteur insouciant les conséquences du réchauffement climatique, des manipulations génétiques, sbam ! de l’intelligence artificielle et de la thérapie génique, crac ! des nanotechnologies et de ton obsession d’éternité, prends-toi ça dans les gencives, paf !).

Je ne vais pas revenir sur chaque nouvelle, maintenant, c’est à vous de découvrir tout ça. Autant vous dire que ça remue pas mal les tripes, que ça fait fumer la cervelle, que ça pose des tas de questions intelligentes, et que ça vient, pour finir, vous mettre KO par crochet du futur et direct de l’avenir pas si lointains vus par Egan.

Une très belle découverte, que je dois à Mladoria (et sa destination « phare » du mois pour le challenge « autour du monde » sur Babelio), d’un auteur que je ne connaissais pas du tout, que j’ai déniché sur Wiki, évalué sur Babelio par ses notes comme « à lire » et décidé de découvrir pour ce challenge. J’en lirai d’autres, c’est sûr !

Note : 10 sur 10.

Paru neuf ans avant celui publié par les éditions Le Bélial’ (18 récits qui datent en V.O. de 1989 à 1995, plus une bibliographie signée Alain Sprauel), le présent recueil regroupe donc quatre nouvelles, dont celle qui donne leur titre aux deux bouquins (il y a de quoi confondre). Le livre qui nous intéresse ici a été publié en 1997 chez DLM Éditions, aujourd’hui disparues. Toutes les traductions sont signées Sylvie Denis & Francis Valéry.

Né en 1961 à Perth en Australie, Greg Egan fait partie de ces écrivains qui cultivent le mystère sur leur vie. À tel point que certains doutent même de son existence réelle. Révélé par les DLM Éditions, d’aucuns le considèrent comme l’un des principaux artisans du renouveau qu’a connu la Science-fiction à la fin des années 90. On lui doit, entre autres, La Cité des Permutants et Isolation.

1 – Axiomatique (Axiomatic)

Hanté par le meurtre de sa femme, un homme acquiert un implant axiomatique, un dispositif qui permet de modifier en profondeur certains aspects de la psyché humaine, dont la conscience morale. Ainsi espère-t-il se débarrasser  des scrupules qui l’empêche d’assouvir son envie de vengeance.
Cette nouvelle qui date de 1990 fait terriblement penser au roman Isolation (Quarantine, 1992), du moins dans son mode narratif (à la première personne du singulier), dans le background du protagoniste principal (dans le futur, un homme a perdu sa femme dans des conditions violentes) et certains aspects technologiques (les implants axiomatiques rappellent bien sûr les « mods » d’Isolation). Peut-être peut-on rapprocher chaque nouvelle de ce recueil à l’œuvre globale de l’auteur australien, mais je pense que quelqu’un de plus connaisseur s’en sortirait bien mieux que moi. Cependant, l’essentiel n’est pas là. L’important dans cette nouvelle réside sur le rapport à la morale que tente d’éprouver Greg Egan, non pas comme un moralisateur mais plutôt à l’instar d’un humaniste faisant preuve de tolérance. Et il le fait avec style.

2 – Le Coffre-fort (The Safe-Deposit Box)

Tous les matins, un homme change de corps, se retrouvant dans celui d’un inconnu. Et chaque jour, il doit réinventer son quotidien. Jusqu’à l’infini ?
Relevant plus du fantastique que de la réelle science-fiction, cette nouvelle (1989) permet là encore à Greg Egan de sonder en profondeur l’âme humaine, mais sans le pathos que certains écrivains peuvent y mettre (non, je ne citerai pas de noms, vu que je ne lis pas de littérature mainstream française). Si, par certains aspects, cette nouvelle m’a fait penser à Memoria de Laurent Genefort (sur les changements de corps et les difficultés qu’un tel procédé engendre). Avec, toutefois, un traitement totalement différent. D’autant que chez l’auteur français, le changement de corps était « volontaire », peu ou prou. L’auteur australien fait ici encore preuve de qualités de style assez remarquables.

3 – Le Tout-p’tit (The Cutie)

Contre l’avis de sa femme, un homme décide d’assouvir son envie de paternité. Et il va jusqu’au bout, jusqu’à porter l’enfant lui-même, même s’il sait que ce rejeton ne pourra pas survivre au-delà de ses quatre ans. 

Datant de 1989, cette nouvelle est encore une fois racontée par le biais d’un homme dont on ne saura pas le nom, ni le prénom. Bouleversant témoignage d’un futur réaliste, Le Tout-p’tit (titre que l’on retrouvera quelques années plus tard dans le recueil paru au Bélial retraduit par Le P’tit mignon) nous parle du rapport un peu biaisé que certaines personnes, hommes ou femmes, entretiennent avec la parentalité. Là encore, aucune morale de la part de Greg Egan, juste une manière pour lui de montrer une situation (que d’aucuns jugeraient irréalistes, mais peu importe). Au lecteur ensuite de se faire sa propre opinion sur ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». Finalement, on n’est vraiment pas loin des houleux débats qui ont récemment secoué la société française à propos de la PMA… En fait, qui est-on pour juger ?

4 – La Caresse (The Caress)

Au cours d’une de ses enquêtes, un policier fait une drôle de découverte : un être mi-femme, mi-léopard. Cette chimère est-elle le résultat d’hybridation d’un riche excentrique qui cherche à reproduire des créatures rencontrées dans des tableaux ?
Cette dernière nouvelle de ce court recueil est la plus étrange et peut-être la plus dérangeante des quatre réunies ici. Et très certainement celle qui laisse la marque la plus profonde dans l’esprit du lecteur. Il faut dire que la couverture de la présente édition l’aide fortement à fixer une image précise puisqu’elle reproduit un détail du tableau du peintre belge Fernand Khnopff, La Caresse, où l’on peut voir la fameuse chimère en question, mi-femme, mi-léopard. Cette lecture est pour le moins une expérience troublante. Mais alors que je n’y avais pas du tout pensé en lisant cette nouvelle (qui date de 1990), il me vient une idée en rédigeant cette chronique. Peut-on penser que Greg Egan nous fait réfléchir ici sur les dangers que représentent les OGM dans notre société ? Pour donner un début de réponse à cette question (pertinente ?), il va me falloir relire toutes ces nouvelles. Mais cette fois-ci, je le ferai dans la version plus étoffée proposée par Le Bélial’, sous le même titre d’Axiomatique.

Pour conclure, je dirais que cette mise en bouche de quatre nouvelles est une excellente manière d’entrer dans l’univers riche de Greg Egan. L’auteur australien fait preuve d’une grande variété dans les thématiques qu’il aborde, mais adopte une rigueur bienvenue dans sa manière de le faire. Pas moralisateur, l’écrivain parie sur l’intelligence de son lecteur. C’est trop rare pour ne pas être souligné.

Note : 8 sur 10.

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