Critique BD : « Le Dernier Pharaon », de François Schuiten, Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et Laurent Durieux

Quatrième de couverture : « Par Horus, demeure ! » Le souvenir de la Grande Pyramide hante à nouveau Mortimer. Ses cauchemars commencent le jour où il étudie d’étranges radiations qui s’échappent du Palais de Justice de Bruxelles : un puissant champ magnétique provoque des aurores boréales, des pannes dans les circuits électroniques et d’épouvantables hallucinations chez ceux qui y sont exposés. La ville est aussitôt évacuée et enceinte d’un haut mur. Pour venir à bout du rayonnement, l’armée a conçu un plan qui met en péril l’avenir du monde. Pour Blake et Mortimer, malgré leurs vieilles querelles, malgré leur âge, il va s’agir de repartir à l’aventure, vers une Bruxelles abandonnée pour tenter encore une fois de sauver le monde. Et s’apercevoir que la zone interdite n’est pas si abandonnée que cela. Ce qu’ils trouveront là est en lien avec leur aventure passée, celle qui les avait menés au temps de leur jeunesse, vers les mystères de la Grande Pyramide.
Dans Le Dernier Pharaon, les Belges François Schuiten, Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et Laurent Durieux ont voulu revisiter l’œuvre d’Edgar P. Jacobs, où se mêlent leurs talents respectifs et le plus grand respect pour la série originelle. Un hors série fidèle, mais à la fois très personnel, qui prend ses sources au cœur même des aventures de Blake et Mortimer. À ne pas manquer !

On ne présente plus les aventures de « Blake et Mortimer ». L’officier anglais et son ami scientifique ont surmonté de nombreuses épreuves, élucidé moult mystères tout en faisant rêver plusieurs générations de lecteurs. Edgar P. Jacobs a donné vie à ce célèbre duo en 1946 ! À son décès, d’autres grands noms du 9e art ont pris sa suite.
Dans un autre registre, le dessinateur François Schuiten a aussi contribué aux rêves d’un large public. Né dans une famille d’architectes, il s’est rendu célèbre avec ses dessins aux architectures aussi improbables qu’impressionnantes. Le tout avec un sens du détail et de la perspective confinant à la folie douce. Folie accentuée par les récits de son compère de longue date : Benoît Peeters.
Le décor étant planté, penchons-nous sur Le Dernier Pharaon.
Il s’agit d’un album hors-série des aventures de Blake & Mortimer dessiné par François Schuiten. Les trois scénaristes, Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et François Schuiten, y narrent la suite de l’album Le Mystère de la Grande Pyramide à la fin duquel une part de mystère subsistait. Comme il s’agit d’un récit à part, l’histoire dévie de la série principale pour aboutir à une sorte d’univers parallèle. Un monde où Blake et Mortimer auraient fait d’autres choix, modifiant ainsi profondément le monde par rapport à la trame principale.

L’architecture est au cœur de cette nouvelle intrigue. En effet, Mortimer rencontre un ami au sein de l’imposant – et étonnant – palais de Justice de Bruxelles. Sous l’édifice, ils découvrent d’étranges catacombes ornées de hiéroglyphes, puis décorées de sculptures typiques de l’Égypte antique. Tant et si bien que ces tunnels finissent par devenir une sorte de miroir inversé des galeries explorées par Blake et Mortimer sous la grande pyramide.
Après la découverte de l’atelier caché de l’architecte ayant conçu le palais de justice, un tunnel s’écroule, obligeant Mortimer à rebrousser chemin. Une lueur étrange émerge alors des tréfonds de la terre, s’étendant inexorablement et empêchant le fonctionnement de tout appareil électrique. À ceci s’ajoutent d’angoissants cauchemars mystiques touchant les personnes proches de l’édifice.
Si Mortimer et les militaires parviennent à juguler ladite lueur grâce à une gigantesque cage de Faraday, Bruxelles et sa banlieue sont abandonnées et isolées du monde derrière un immense mur gardé par l’armée.
Hélas, cela ne durera qu’un temps, contraignant Blake et Mortimer à prendre tous les risques pour sauver ce qui peut l’être…

Cet album est, évidemment, une œuvre époustouflante. On y retrouve le souci du détail obsessionnel typique de Schuiten dont le dessin n’est pas sans rappeler les gravures du XIXe siècle. Soulignons que le coloriste, Laurent Durieux, réalise ici un travail remarquable complétant parfaitement le dessin. L’atmosphère imprégnée d’ésotérisme fonctionne toujours à merveille, entraînant le lecteur sur des chemins improbables dont l’issue reste insaisissable. Une bien belle réussite.

Note : 7 sur 10.

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