Critique : « Deus Irae », de Philip K. Dick & Roger Zelazny

Quatrième de couverture : Après l’holocauste qui a mis fin à la Troisième Guerre mondiale, les rares survivants devenus méconnaissables à force de mutations sont l’enjeu d’une lutte sans merci entre deux Églises : celle du Bien et celle du Mal, qui vénère Deus irae, le Dieu de la Colère, celui qui a lâché sur le monde l’horreur atomique. Chargé de réaliser un portrait de cette funeste divinité pour ranimer la foi de ses fidèles, Tibor McMasters, un peintre sans bras ni jambes, part à sa recherche à travers une Terre dévastée, en proie aux stigmates d’un monde devenu fou. Un monde où se dissipe la frontière entre l’humain et le divin…

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Philip K. Dick nous a quittés il y a quarante ans. Pourtant, il n’a jamais été aussi présent dans la culture populaire qu’aujourd’hui. L’œuvre immense qu’il nous a laissée et les nombreuses adaptations audiovisuelles (Blade RunnerTotal RecallPlanète hurlanteThe Truman ShowMinority ReportPaycheckNextPassengersThe Man in the High CastleBlade Runner 2049, etc…) dont elle a fait l’objet ont durablement marqué l’imaginaire collectif. Intelligence artificielle, transhumanisme, simulacres… Par bien des aspects, nous vivons au cœur d’un roman de PKD, dont les questionnements métaphysiques restent d’une actualité brûlante. Il s’agit donc moins de fêter l’anniversaire de sa mort que de célébrer la vie et la carrière prolifique d’un génie visionnaire dont la trajectoire littéraire est enfin reconnue à sa juste valeur.

Roger Zelazny (1937-1995) a débuté sa carrière d’écrivain en 1962, publiant ses premiers textes dans le magazine Amazing Stories. La parution de son premier roman, Toi l’immortel, est saluée en 1965 par un prix Hugo, obtenu ex æquo avec Dune de Frank Herbert. Zelazny reçoit dès lors une multitude de récompenses prestigieuses, saluant la reconnaissance critique de son œuvre. Mais c’est surtout avec la publication de son œuvre majeure, Le cycle des princes d’Ambre, récit d’univers parallèles qui comporte dix volumes et de nombreux produits dérivés, que l’auteur rencontrera un immense succès public.
L’œuvre de Roger Zelazny s’appuie sur les mythologies traditionnelles (hindoue, égyptienne, amérindienne, celte…) pour explorer les thèmes de l’immortalité et de l’accession au statut divin. Il est également l’auteur, entre autres, de 24 vues du Mont Fuji, par HokusaiRoute 666 et de Seigneurs de lumière. Zelazny meurt en 1995, à l’âge de 58 ans, d’une insuffisance rénale faisant suite à un cancer du côlon. Il vit alors en colocation avec l’auteur Jane Lindskold, avec qui il entretient une forte amitié. Peu avant son décès, il lui demande de terminer deux de ses romans inachevés : Donnerjack, qu’elle fait publier en 1997, et Lord Demon, qui est édité en 1999.

C’est un livre pas facile à « chroniquer »…
Soit il vous parle, soit il ne vous parle pas, je pense.
Sur une Terre entièrement polluée par une arme de destruction massive atomique, lancée par Carleton Lutfeufel, l’ancien Christianisme est battu en brèche par une nouvelle religion qui a pris ce dernier comme « héros », et qui s’intitule « Deus Irae ».

De prime abord, cette religion semble être son exact opposé. Déité du Mal absolu, « la colère divine » qui semble bien plus réaliste en ces temps post-apocalyptiques.
Cette religion a ses prêtres… À Charlottesville, ils ont même commandé un « fressac » en son honneur, une fresque, au meilleur peintre de la ville, Tybor, qui s’avère être un homme-tronc et qui a des prothèses mécaniques pour les bras, et une sorte de charrette tirée par sa vache pour se déplacer…
Cet artiste doit peindre le « vrai » visage du Deus Irae. Du coup, il doit entamer un pèlerinage pour le retrouver (en chair et en os, déifié de son vivant, on n’est que quelques dizaines d’années après la catastrophe).

C’est le début d’un voyage quelque peu halluciné, qui donne lieu à toutes sortes de considérations métaphysiques, morales, religieuses, qu’est-ce que le bien, le mal, côté noir, côté blanc, et le road-trip initiatique de Tybor va plutôt ressembler à un cauchemar sous acide, dans l’ensemble, même s’il croise des créatures sympathiques (et d’autres beaucoup moins), mutations diverses dues à l’atome…

Parti chercher le Deus Irae pour le photographier, il explorera lors de ce voyage toutes les facettes de lui-même, de la plus lumineuse à la plus obscure, de la plus farfelue à la plus terre-à-terre, du plus profond désespoir à l’espoir qui renaît au moindre signe positif.
La matière même du roman, c’est cette exploration des profondeurs de l’humanité dans tous ces développements. Je ne sais pas comment ils sont arrivés à ce résultat en écrivant à tour de rôle, c’est assez incroyable, assez drôle aussi par moments, et à d’autres absolument dramatique.

Le résultat est étrangement cohérent, au bout du compte. La fin est assez étrange, j’avoue que je ne me suis pas encore fait d’opinion dessus, si je l’apprécie ou pas. Niveau métaphorique, c’est assez puissant, ça finit sur une note d’espoir qui n’est pas désagréable, car le monde qu’ils nous décrivent n’est pas optimiste en lui-même. Quant au fait que Tybor soit béatifié par l’Eglise dont il a… SPOILER (donc je le dirai pas)… J’ai trouvé ça hyper-cynique, au contraire…
Je crois qu’en fait je l’aime bien, cette fin, moi… 🙂

Note : 9 sur 10.

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