Critique : « Lyonesse » (trilogie), de Jack Vance

Quatrième de couverture : Il y a bien longtemps, sur des îles aujourd’hui englouties sous les flots de l’océan Atlantique, s’étendait une contrée où le royaume de Faërie vivait en harmonie avec celui de la chevalerie, un monde de magnificence, d’aventure et de sombre magie. De ces Isles Anciennes, jadis, les ancêtres d’Arthur Pendragon s’étaient élancés pour atteindre les côtes de l’Angleterre… Là vivait Suldrun, une princesse dont la beauté mélancolique déchaînait toutes les convoitises et pouvait servir l’ambition sans limites de son puissant et malfaisant géniteur, le roi Casmir de Lyonesse. Là vivait Suldrun qui, un beau jour, vit surgir des eaux déchaînées le corps presque sans vie du prince Aillas de Troicinet…

« Lyonesse est un point culminant de sa carrière, une de ses plus grandes réussites. » Bertrand BONNET, in Bifrost 92

Jack Vance est un infatigable bourlingueur ; il a sillonné toutes les mers du monde et en a rapporté un goût marqué pour l’exotisme qui imprègne chacune des pages de ses livres. Ses univers baroques et chatoyants sont la plus pure expression du fameux sense of wonder, cette faculté qu’ont certains auteurs de nous émerveiller et de nous emporter, dès les premières pages, dans un tout autre monde. Auteur entre autres des cycles de La Terre mouranteLa Geste des Princes-DémonsTschaï et Lyonesse, il a reçu de nombreux prix. En 1997, la Science Fiction and Fantasy Writers of America lui accorde la distinction honorifique de « Grand Maître ». Il avait auparavant reçu nombre de récompenses : les prix Edgar en 1960, Hugo en 1963 et 1967, Nebula en 1966, Jupiter en 1975, Achievement en 1984, GilgamXs en 1988 et World Fantasy en 1990. Il reçoit aussi, en 1961, le prix Edgar-Allan-Poe pour son roman policier, L’Homme en cage.

Il a exercé une influence considérable sur la science-fiction exotique et picaresque, ainsi que la fantasy, ce dont témoignent des livres comme Le Château de Lord Valentin de Robert Silverberg et Le Maître des ombres de Roger Zelazny, ainsi que l’épopée livresque et télévisuelle Le Trône de fer (Wikipédia).

Détails techniques

Fantasy / Mythe arthurien – Lyonesse (trilogie)

Editeur (intégrale) : Mnémos (2018)

946 pages (broché) – 35 €

Cycle de Lyonesse :
1. Le Jardin de Suldrun
2. La Perle verte
3. Madouc
Lyonesse – Carte des Isles AnciennesCliquez sur la carte pour l’agrandir

***

LYONESSE – T1 : LE JARDIN DE SULDRUN
Éditeur (vo)Berkley Books
Date de parution (vo)1983
Éditeur (vf d’origine)Pocket SF
Éditeur (vf actuel)Le Livre de Poche
Nombre de pages768
Prix (poche)9,40 €
Prix (numérique)8,99 €

Avec son cycle de Lyonesse, Jack Vance nous plonge dans une fantasy dont l’histoire emprunte des éléments de la mythologie celtique et des légendes arthuriennes. L’action se déroule sur les Isles Anciennes, un pays rappelant l’Atlantide.

Dans ce premier tome, nous suivrons tout d’abord la jeunesse de Suldrun, fille de Casmir, roi du Lyonesse. Et le charme opère d’emblée, alors que Suldrun est une jeune fille complètement détachée de sa position de princesse, préférant se balader, découvrir ce qui l’entoure avec une fascination mélancolique. J’ai beaucoup aimé me perdre avec elle dans les dédales du château de son père et sur les bords escarpés de son jardin.
Malheureusement, le roi Casmir ne l’entend pas de cette oreille et la petite Suldrun est forcée de se confronter à la réalité de sa condition.

Puis, pour le reste du roman, nous suivrons tour à tour les aventures d’Aillas, de Dhrun et de Shimrod, faites de nombreuses péripéties, de rencontres et de confrontations dans les différents royaumes des Isles Anciennes. La magie sera extrêmement présente, contrairement à la première partie avec Suldrun. Et Jack Vance s’amuse comme un petit fou, usant de son talent foisonnant et du matériau propre aux contes et aux légendes pour créer des situations rocambolesques, tragiques et parfois cruelles.
Malheureusement, ces situations s’enchaînent à un rythme tellement effréné qu’il est difficile de pleinement les apprécier ; les lieux défilent à une vitesse précipitée et les résolutions sont souvent très faciles ou du moins trop rapides.
Bien sûr, la richesse de l’univers créé par Vance, débordant d’imagination et de personnages hauts en couleur, est impressionnante. Il est impossible de s’ennuyer, mais j’ai parfois eu du mal à ressentir de l’empathie pour certains personnages.

Cependant, l’intrigue principale arrive à nous émouvoir et le voyage proposé par Vance dans ce moyen-âge fantasmé aux multiples couleurs se révèle accrocheur. J’embarquerai volontiers pour la suite !

Ma note :

Note : 7 sur 10.

Une critique de Benjamin Meduris publiée le 20 décembre 2022 sur Babelio  à cette adresse.

***

LYONESSE – T2 : LA PERLE VERTE
Éditeur (vo)Underwood-Miller
Date de parution (vo)1985
Éditeur (vf d’origine)Pocket SF
Éditeur (vf actuel)Le Livre de Poche
Nombre de pages704
Prix (poche)9,40 €
Prix (numérique)8,99 €

Deuxième volume de la trilogie de fantasy intitulée Lyonesse. On y retrouve les principaux personnages du premier tome, Le Jardin de Suldrun : Aillas, devenu roi du Troicinet, et Casmir de Lyonesse incarnant les stéréotypes du bon et du mauvais rois. Leur affrontement est doublé en arrière-plan par celui des magiciens, Murgen et son élève Shimrod contre Tamurello et son acolyte Vishburne. Amours et vengeances, trames et combats, magie et acier, humour et cruauté, tous les ingrédients de la fantasy sont là au service de l’imagination précise et sensuelle de Vance. Lecture agréable.

Ma note :

Note : 8 sur 10.

Une critique d’André Chiaroni publiée le 21 septembre 2022 sur Babelio  à cette adresse.

De retour dans les Isles Anciennes où nous allons retrouver Aillas, souverain du Troicinet et désormais roi de l’Ulfland du sud ; Casmir, le souverain du Lyonesse ; Dhrun et Glyneth, ayant trouvé refuge dans les palais du Troicinet ; et Shimrod, le mage allié à Aillas.

Le récit débute avec l’apparition de la perle verte, véritable joyau maléfique dont les possesseurs vont subir l’influence. Cette perle sera très vite perdue, abandonnée pendant un temps seulement…
Aillas va, lui, tenter d’unifier les différents clans de l’Ulfland du sud en usant autant de magnanimité que d’intransigeance. En bon héros qu’il est, il surmonte les difficultés avec une certaine facilité.
Les Skas, valeureux guerriers, vont lui mettre des bâtons dans les roues du seul fait de leur présence belliqueuse. L’Ulfland du sud menacé, le nouveau monarque n’aura d’autre choix que de s’approprier l’Ulfland du nord afin d’instaurer une puissance suffisante à contraindre les ambitions des Skas.
Shimrod va, lui, se désintéresser de ce conflit car le charme de l’énigmatique Mélancthe opère toujours sur lui. Elle qui est si désintéressée de tout, une anomalie pourtant si belle et fascinante, va troubler le cœur de Shimrod jusqu’à le hanter.
Le roi Casmir n’est pas du genre à se tourner les pouces et, alors que son épouse l’agace avec ses nouvelles lubies liées à sa récente conversion au christianisme, celui-ci manigance afin de conquérir les territoires des Isles Anciennes et contrer l’insupportable montée en puissance du roi Aillas.
Cependant, c’est avant tout la prophétie du miroir Persilian qui le préoccupe : le fils de Suldrun siègera à la table Cairbra an Meadhan et sien sera donc le trône Evandig.
Mais l’enfant de Suldrun étant Madouc, une fille, Casmir va se mettre en devoir d’enquêter. Et il trouvera un curieux personnage pour mener à bien cette mission : Visbhume.

Jack Vance déroule, comme à son habitude, un récit au rythme effréné, plaçant ses personnages dans des situations toutes plus rocambolesques les unes que les autres.
Aillas mène de main de maître l’expansion (honorable) de sa souveraineté et il demeure le Aillas du premier tome, courageux et humble, malgré son statut de régent. C’est un personnage très attachant, ne serait-ce que par les sentiments qu’il procure à l’évocation de la fascinante Suldrun et de leur histoire.
Avec Shimrod, c’est la magie si chère à l’œuvre de Vance qui brille de mille textures à chacun des chapitres lui étant consacrés. Sa relation étrange avec Mélancthe prend dans ce tome encore un peu plus d’importance, et la féérie mélancolique de leurs rencontres se traduit par des sentiments troubles qui intriguent le lecteur.
Dhrun est quasiment absent mais garde néanmoins son importance dans l’intrigue, alors que Glyneth va occuper la place de la plupart des dernières pages en compagnie de son tourmenteur exécrable et de son sauveur monstrueux.

Projetée dans le monde parallèle de Tanjecterly par l’effroyable Visbhume, Glyneth ne pourra compter que sur la loyauté de Tul, un être hybride créé par le Grand mage Murgen afin de la ramener dans le monde des Isles Anciennes, pour l’aider.
Telle une autre planète, Tanjecterly diffère complètement du monde connu et c’est l’occasion pour Jack Vance de déployer son imagination sans limite. Les êtres et les paysages surgissent d’autant de rêves que de cauchemars ; le danger est partout !
Visbhume est la star de ce tome : repoussant, tant par son physique que par sa personnalité. Glyneth et Tul vont avoir fort à faire avec ce beau salaud ayant plus d’un tour dans son sac !

Une suite bien réussie qui distille toujours plus d’aventure pour nos personnages déjà chers à nos cœurs depuis le premier tome. Les péripéties s’enchaînent et le ton se révèle toujours aussi excessif, passant de l’humour à la perversité, de la mélancolie à l’héroïsme, de la naïveté la plus candide aux aspirations les plus machiavéliques…

Note : 8 sur 10.

***

LYONESSE – T3 : MADOUC
Éditeur (vo)Underwood-Miller
Date de parution (vo)1989
Éditeur (vf d’origine)Pocket SF
Éditeur (vf actuel)Le Livre de Poche
Nombre de pages672
Prix (poche)9,40 €
Prix (numérique)8,99 €

Fin de la trilogie de Lyonesse. Comme il est logique, les divers arcs narratifs (affrontement des rois Aillas et Casmir, affrontement des magiciens…) trouvent leur aboutissement. Au premier plan, Madouc dont le statut de princesse de Lyonesse dissimule son origine atypique (mère fée, père inconnu). Au départ adolescente ingrate, délurée et peu amène, elle subit une transformation progressive et radicale au fil d’aventures débridées (dont un étrange test de paternité à la sauce fée). Toujours l’imagination joyeuse (mais parfois cruelle aussi) de Jack Vance au service d’une situation de conte merveilleux.

Ma note :

Note : 8 sur 10.

Une critique d’André Chiaroni publiée le 23 septembre 2022 sur Babelio  à cette adresse.

Il faut bien avouer que le Cycle de Lyonesse a beaucoup de charme, et que Jack Vance a écrit une trilogie des plus distrayantes. Les qualités sont nombreuses, grâce à la plume virevoltante de son auteur, qui nous fait voyager de lieu en lieu, de personnage en personnage, avec un sens de l’accroche stupéfiant.

Malheureusement, certains moments sont assez lassants et ne maintiennent pas l’intérêt rencontré pendant une bonne partie de la lecture.

Dans ce troisième et dernier tome, consacré principalement à Madouc, la soi-disant fille de la princesse Suldrun, la lassitude passagère se fait surtout sentir lors des parties consacrées à… Madouc.
Jeune, pétillante, rebelle et malicieuse telle une fée, Madouc provoque la furie de ses dames de compagnie ainsi que du roi et de la reine. Mais comparé à d’autres personnages de Jack Vance dans le même esprit, comme Cugel, Madouc surprend et fascine finalement assez peu.
Toute la première partie traîne en longueur, narrant sa vie tumultueuse à la cour. Jack Vance use de descriptions à n’en plus finir concernant les costumes, le physique, la nourriture, etc… Et j’aime beaucoup ses descriptions foisonnantes qui donnent le tournis, mais là, il y en a trop, l’intrigue n’avance pas.

Heureusement, quand le monde magique entre en jeu, l’intérêt ressurgit, comme lors des escapades de Shimrod ou pendant le séjour de Madouc et ses compagnons dans le royaume des fées.

L’attrait vient aussi de la géopolitique des Isles Anciennes, car le roi Casmir n’a jamais fini d’ourdir un complot servant ses envies de conquête. Il se heurte à son principal opposant, Aillas, porteur de valeurs bien plus pacifiques. Ce dernier demeure bien trop en retrait dans ce tome tout comme la menace des Skas, l’ennemi le plus préoccupant.

La conclusion est trop précipitée, et j’ai eu la déception de quitter les personnages bien trop vite. Vraiment dommage…

L’imagination de Jack Vance fait des étincelles, indéniablement. Il reste un auteur cher à mon cœur, mais j’en attendais plus de ce cycle qui m’a déçu en de trop nombreux endroits.

Note : 6 sur 10.