Critique : « Les Chroniques de Durdane » (intégrale), de Jack Vance

Quatrième de couverture : Sur la planète Durdane existe un ensemble de communautés disparates, le Shant, sur lequel règne l’Anome, aussi surnommé l’Homme sans Visage. Dans cette région, chaque femme, chaque homme se voit équipé à la fin de l’adolescence d’un torque explosif que l’Anome peut faire détoner à tout moment. La terreur qu’inspire ce juge et bourreau a maintenu une paix relative pendant des décennies. Mais voilà que débarquent d’on ne sait où les Rogushkoïs, de féroces créatures humanoïdes qui massacrent les hommes et s’accouplent avec les femmes. Et contre lesquelles l’Anome ne prend aucune mesure particulière. Parce que les Rogushkoïs ont tué sa mère, le jeune Etzwane se jure de découvrir l’identité de l’Homme sans Visage et de mettre un terme à son règne. Bientôt, tous les secrets de Durdane tomberont aux pieds du jeune homme, brisés comme des jouets trop fragiles. Et il sera bien obligé de comprendre que le prix de la responsabilité est parfois exorbitant.

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Jack Vance est un infatigable bourlingueur ; il a sillonné toutes les mers du monde et en a rapporté un goût marqué pour l’exotisme qui imprègne chacune des pages de ses livres. Ses univers baroques et chatoyants sont la plus pure expression du fameux sense of wonder, cette faculté qu’ont certains auteurs de nous émerveiller et de nous emporter, dès les premières pages, dans un tout autre monde. Auteur entre autres des cycles de La Terre mouranteLa Geste des Princes-DémonsLes Aventuriers de la planète géante, Tschaï et Lyonesse, il a reçu de nombreux prix. En 1997, la Science Fiction and Fantasy Writers of America lui accorde la distinction honorifique de « Grand Maître ». Il avait auparavant reçu nombre de récompenses : les prix Edgar en 1960, Hugo en 1963 et 1967, Nebula en 1966, Jupiter en 1975, Achievement en 1984, GilgamXs en 1988 et World Fantasy en 1990. Il reçoit aussi, en 1961, le prix Edgar-Allan-Poe pour son roman policier, L’Homme en cage.
Il a exercé une influence considérable sur la science-fiction exotique et picaresque, ainsi que la fantasy, ce dont témoignent des livres comme Le Château de Lord Valentin de Robert Silverberg et Le Maître des ombres de Roger Zelazny, ainsi que l’épopée livresque et télévisuelle Le Trône de fer.
Jack Vance est mort en 2013 à l’âge de 96 ans (Wikipédia).

Les Chroniques de Durdane :
1. L’homme sans Visage, 1973
2. Les Paladins de la Liberté, 1973
3. Asutra !, 1974

Ah ! Ahahahaha !
Il suffit de regarder les étiquettes Babelio de ce bouquin pour comprendre qu’on a affaire à quelque chose de tout à fait original ! Je cite, dans le désordre : « Fantasy, science-fiction, dystopie, dictature, secte, planet opera, space opera, guerre », et j’en oublie…

C’est juste magnifique ! La preuve, j’ai l’intégrale, mais au départ je ne voulais lire que le tome 1. Et voilà, j’ai fini l’intégrale !!!

C’est simple, que ce soit le décor, l’univers, l’intrigue, les personnages, le langage, c’est fabuleusement bien amené, bien écrit, bien décrit, cohérent et absolument passionnant.

Sur Durdane, le Shant est composé d’une myriade de micro-sociétés fonctionnant chacune avec des règles différentes, sous l’autorité d’une seule personne, l’Anome, ou « l’Homme Sans Visage », qui fait régner ordre et lois (parfois débiles) grâce à un moyen tout bête : un torque posé au sortir de l’enfance qui décolle la tête du corps au moindre faux pas. Autant dire que tout le monde marche droit, même si les règles sont iniques ou totalement stupides, et les sociétés du Shant sont basées sur un système d’asservissement des basses classes, « l’indenture ».
Le Shant a été en guerre plusieurs fois (qu’il a perdue à chaque fois) avec une autre société de Durdane, dont on ne sait au départ pas grand-chose, si ce n’est qu’ils pratiquent une génétique déviante pour produire leurs propres esclaves, le Palasedra.
Au début de l’aventure, pendant la jeunesse de Gatzel Etzwane, personnage principal de la saga, et qui s’appelle, à ce moment-là, Mur, on assiste à la mise en place de l’univers, des sociétés et de la planète.

Une fois de plus, je n’ai pas du tout vu la soi-disant misogynie de Vance là où Alfaric n’a pas arrêté de la voir, c’est assez amusant, surtout que je suis, a priori, plus concernée qu’un mec. Mdr !
Avec les Chilites, société où est né Mur, on a une société sectaire « criminelle » qui est ce qu’elle est. Fort bien décrite par Vance, au passage. Et bien au contraire, Mur voulant absolument sortir sa mère des griffes de ces affreux, ne pouvant passer que par le rachat de son servage, vu l’histoire des torques, il m’a paru plutôt pro-protection des femmes, et tout à fait cohérent.
Au final, dans toutes ces histoires, Vance ne me paraît, une fois de plus, je me dois de le dire, pas misogyne ! Juste réaliste, réaliste sur ce que sont les hommes et les femmes dans leur grande majorité. D’autant plus que dans le tome 3, c’est une femme qui va être l’instructrice principale de Gatzel, une femme qui aura appris les plus de 20000 chants Kas et qui les lui transmettra à son tour, en partie, du moins. Mais quand on estime que le tome 3 ne sert à rien, forcément, la femme qui y est importante est invisible.
Ce que je vois, moi, dans les romans de Vance, c’est que tout le monde est à égalité. Il y a des femmes bêtes et d’autres intelligentes, comme les hommes, des femmes qui se battent pour survivre et d’autres qui subissent, comme les hommes, des femmes qui manipulent et d’autres qui sont manipulées, comme les hommes, etc, etc… Pour moi, il n’y a pas plus égalitaire que ça, et j’aime ça.
Pas d’illusions, ni sur les hommes, ni sur les femmes. Il y a même dans le Shant des sociétés matriarcales… Je réfute donc l’étiquette « misogyne » concernant cet auteur, maintenant j’en ai suffisamment lu pour savoir que c’est faux.

Ensuite, Gatzel devenant adulte (en tant que musicien dans la troupe de Frolitz, ce qui explique qu’il ait un torque, un métier, même si ce n’est pas décrit), et ayant cumulé assez d’argent, il va enfin pouvoir libérer sa mère.
Las, une nouvelle race, jamais vue avant, les Rogushkoïs, pratiquent des raids de plus en plus osés dans le Shant, où ils tuent les hommes et enlèvent les femmes.
Interpellant l’Anome, totalement amorphe face à cette menace grandissante, il va alors devenir le personnage central d’une sorte de révolution, grâce à l’aide d’un personnage antipathique au possible, Ifness, qui est, certes, le deus ex machina de Vance dans tout cela, mais tout de même assez cohérent pour être crédible, et qui permet de faire avancer l’aventure.
Dans toute la suite de l’intégrale, la politique intra-Shant et entre le Shant et le Palasedra (qu’on soupçonne d’être à l’origine des Rogushkoïs) va s’étoffer. On découvre divers personnages importants dans le « gouvernement » du Shant, et on retrouvera Finnerack, croisé dans le tome 1.
Gatzel va se lancer dans un « tour du Shant » où, justement, on va découvrir des tas de ces micro-sociétés, les encourager à la guerre contre les envahisseurs, toute l’organisation va peser sur ses épaules, et la lourdeur de la tâche est vraiment bien décrite, d’autant que certains essaient de se débarrasser de lui, bien évidemment.

Si je ne veux pas spoiler, je ne peux pas vraiment parler réellement de ces deux derniers tomes. Et comme j’ai été surprise et bien accrochée, je ne veux pas enlever ce plaisir à mes lecteurs.
Sachez juste que j’ai beaucoup aimé le développement qu’a donné Vance à l’aventure de Gatzel Etzwane, et les explications d’Ifness se tiennent plutôt bien, dans l’ensemble.

De plus, les suites politiques dans le Shant sont très réalistes, là aussi, c’est franchement très réussi. Sélectionnez le texte ci-dessous masqué pour le dévoiler :

Bref, coup de cœur en ce qui me concerne, même si la fin est un peu en dessous du reste.

Note : 9 sur 10.

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